C’est ici que commence le livre divertissant d’Andrew Nagorski – avec Hitler en visite à Paris à la fin du mois de juin 1940, la tête déjà pleine du besoin désespéré de conquêtes encore à venir. Comme le montre « 1941 : The Year Germany Lost the War », la domination militaire du continent européen n’a pas résolu le décalage entre les ambitions et les ressources de l’Allemagne. Comme la bataille d’Angleterre l’a clairement montré, Hitler ne disposait pas de la puissance navale et aérienne nécessaire pour mettre le Royaume-Uni, dirigé par le premier ministre Winston Churchill, hors de la guerre.

1941

Par Andrew Nagorski
Simon & Schuster, 381 pages, 30$

La crainte d’une domination nazie sur l’Atlantique a également facilité la tâche du président Franklin Roosevelt qui a augmenté l’aide au Royaume-Uni contre la résistance des isolationnistes américains. Comme l’écrit M. Nagorski : « Roosevelt avait l’intention d’aider la Grande-Bretagne à l’emporter, quelle que soit la férocité de l’opposition à sa politique aux États-Unis. » De manière cruciale, une fois que la Grande-Bretagne a épuisé ses réserves financières, qui avaient été utilisées pour investir massivement dans la production d’armes américaines, Roosevelt a pu les remplacer par de l’argent du gouvernement américain. Les fournitures qui en résultèrent furent fournies gratuitement aux ennemis d’Hitler selon les termes de la législation « Prêt-Bail » adoptée en mars 1941.

Hitler était convaincu qu’il serait bientôt confronté à une armada aérienne anglo-américaine d’une puissance sans précédent. Une Europe bloquée par la Royal Navy britannique, quant à elle, s’est avérée incapable de se développer en tant que bloc économique capable de contrer cette menace transatlantique. Pour des raisons tant stratégiques qu’idéologiques, il décide donc d’envoyer ses armées à l’Est. Une guerre éclair permettrait de vaincre rapidement l’Union soviétique de Joseph Staline, ouvrant ainsi la voie à une colonisation allemande meurtrière de l’Est et garantissant les matières premières nécessaires aux combats à l’Ouest. En 1939, le pacte de Staline avec Hitler pour disséquer la Pologne avait permis au dictateur allemand de prendre le risque d’affronter la France et le Royaume-Uni. Maintenant, le leader soviétique s’est aveuglé aux signes avant-coureurs de l’attaque allemande imminente.

Lorsque l’offensive s’est mise en marche le 22 juin 1941, elle a surpris non seulement Staline mais aussi les soldats de l’Armée rouge, qui ont été encerclés et capturés alors que les forces de l’Axe balayaient l’est pendant l’été 1941. Des millions de ces prisonniers allaient mourir de maladie ou de faim. Derrière les armées qui avançaient, les unités allemandes menaient des massacres de juifs en masse, les autorités nazies accélérant leurs efforts pour anéantir la population juive d’Europe.

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C’est une histoire familière mais M. Nagorski la raconte bien. Il fait le point conventionnel que, lorsque la pression est venue, Staline, contrairement à Hitler, était assez sensible pour savoir quand laisser la guerre aux généraux – au moins ceux qui avaient survécu à ses purges. L’auteur sous-estime toutefois la ruse de Staline. Bien qu’il ait été choqué par l’assaut inattendu des Allemands, il avait en 1940 reconnu avec justesse qu’Hitler n’avait pas la marine nécessaire pour vaincre les Britanniques et avait laissé ouverte la possibilité d’une coopération future avec les démocraties. Roosevelt, lui aussi, jouait un double jeu : il soutenait le Royaume-Uni contre Hitler tout en anticipant le déclin impérial britannique et la montée d’un ordre mondial de type américain.

La poussée sur Moscou a finalement été repoussée, grâce à une combinaison de planification allemande inadéquate, de résistance déterminée de l’Armée rouge et d’aide du Royaume-Uni et des États-Unis. Les Soviétiques étaient (à juste titre) convaincus que les Japonais n’étaient pas sur le point de se joindre à l’attaque avec un assaut en Asie du Nord-Est. Au contraire, les militaristes japonais allaient saisir les opportunités créées par la défaite de la France pour s’en prendre aux empires occidentaux en Asie du Sud-Est. Pour ce faire, ils avaient l’intention d’éliminer le pouvoir de dissuasion de la flotte américaine du Pacifique via une attaque surprise sur sa base de Pearl Harbor.

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En décembre 1941, le décor était donc planté pour deux événements titanesques : une contre-attaque soviétique qui repoussa les Allemands aux portes de Moscou, leur infligeant leur première défaite sérieuse sur terre depuis l’invasion de la Pologne, et l’ouverture du conflit entre le Japon et les puissances occidentales, dont les États-Unis. Croyant pouvoir saisir le moment pour interrompre les approvisionnements outre-Atlantique, Hitler déclara la guerre à l’Amérique le 11 décembre 1941. L’Allemagne est désormais enfermée dans deux guerres impossibles à gagner. L’expansion du conflit qu’elle avait initié pour éviter les problèmes d’inadéquation géostratégique avait en fait rapproché sensiblement la défaite.

Dans « 1941 », M. Nagorski maintient l’attention à un niveau élevé, sur les hommes – Roosevelt, Churchill, mais surtout Hitler et Staline – qui ont dirigé les grandes puissances en guerre. L’avantage de cette distribution restreinte est que M. Nagorski est capable de maintenir le rythme du récit tout en montrant comment le conflit mondial était interconnecté. Parmi les intersections les plus importantes, parce qu’elles déterminent la liberté d’action de Roosevelt, figure l’attitude du public américain. M. Nagorski, peut-être aidé par son passé de journaliste à Newsweek, est particulièrement bon sur la façon dont les journalistes américains ont fait des reportages à Londres et à Moscou, et sur l’effet que leurs récits ont eu sur la façon dont la guerre a été comprise, non seulement aux États-Unis mais aussi au Royaume-Uni. Les Britanniques ont commencé à croire au mythe de leur « esprit Blitz » héroïque lorsqu’il leur a été expliqué avec un accent américain.

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Ce n’est que lorsque M. Nagorski se tourne vers l’offensive de l’Axe en Union soviétique qu’il explore plus profondément les expériences de première main des militaires et des civils des deux côtés. Leurs témoignages accentuent le drame et renforcent son argument selon lequel l’échec de la prise de Moscou à la fin de 1941 a marqué le point où l’Allemagne a perdu la guerre. Cette thèse n’est pas dénuée de fondement, mais l’auteur précise également que, pour Hitler, la guerre était de toute façon perdue si l’Union soviétique n’était pas envahie. L’une des conséquences de la défaite de l’Allemagne à l’Est en 1941 a toutefois été l’extraordinaire escalade des efforts génocidaires de l’Allemagne en 1942. La fin était peut-être inévitable, mais les combats et les tueries étaient loin d’être terminés.

-M. Todman est lecteur en histoire moderne à l’Université Queen Mary
de Londres.

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