Thanos Davelis, directeur des affaires publiques, HALC

Il y a 95 ans, l’hellénisme a été effacé d’Asie Mineure dans le dernier acte du génocide de ses minorités chrétiennes par la Turquie. Ayant survécu – et prospéré – pendant 3 000 ans, la présence grecque en Asie Mineure a été anéantie lors du grand incendie de Smyrne, en 1922.

L’armée de Mustapha Kemal est entrée dans Smyrne le 9 septembre 1922. Le 22 septembre, Smyrne était méconnaissable. Le feu – allumé par les forces turques – a balayé la ville et a réduit en cendres les quartiers grecs et arméniens, effaçant tout ce qui pourrait rappeler aux générations futures leur présence.

A son arrivée à Athènes à la fin de 1922, après la destruction de Smyrne, Ernst Otto Jacob, le secrétaire général de l’Y.M.C.A. de Smyrne déclara :

La politique turque d’élimination des minorités chrétiennes d’Asie Mineure a été résolument mise en œuvre. Les quartiers chrétiens de Smyrne ont été pratiquement anéantis.

Winston Churchill, dans ses mémoires, a également écrit sur l’incendie de Smyrne :

… L’armée de Mustapha Kemal… a célébré son triomphe par la réduction en cendres de Smyrne et par un vaste massacre de sa population chrétienne…

Sur le terrain, des témoins ont raconté les atrocités turques et l’incendie avec horreur. Le lieutenant britannique A. S. Merrill a décrit la scène de la façon suivante :

Toute la matinée, on pouvait voir la lueur puis les flammes de Smyrne en feu. Nous sommes arrivés environ une heure avant l’aube et la scène était indescriptible. La ville entière était en flammes et le port était clair comme le jour. Des milliers de réfugiés sans abri déferlaient de part et d’autre du quai embrasé – pris de panique jusqu’à la folie.

Pour ces raisons, le gouvernement grec a symboliquement choisi le 14 septembre comme jour officiel de souvenir et de commémoration du génocide des Grecs d’Asie Mineure par l’État turc. Le génocide a commencé en 1914 et s’est terminé avec l’échange de populations entre la Grèce et la Turquie en 1923. En 1923, plus de 700 000 des quelque 2 millions de Grecs qui vivaient en Asie mineure au début de la Première Guerre mondiale avaient péri à la suite de la politique de « turquification » de la Turquie. Au total, plus de 2,5 millions d’Arméniens, de Grecs et d’Assyriens ont été tués à la suite de déportations et de meurtres planifiés et exécutés de manière centralisée et systématique.

L’ambassadeur américain auprès de l’Empire ottoman, Henry Morgenthau, écrit:

Les Arméniens ne sont pas le seul peuple sujet en Turquie qui a souffert de cette politique visant à faire de la Turquie exclusivement le pays des Turcs. L’histoire que j’ai racontée sur les Arméniens, je pourrais aussi la raconter avec certaines modifications sur les Grecs et les Syriens . En effet, les Grecs ont été les premières victimes de cette idée nationalisante.

Ceux qui ont survécu aux marches de la mort, aux brutalités turques et aux incendies de Smyrne ont débarqué sur les côtes grecques en tant que réfugiés, reconstruisant le monde qu’ils avaient perdu dans les bidonvilles du Pirée et de Thessalonique.

Jusqu’à ce que le mot génocide soit inventé par Raphael Lemkin, cet événement cataclysmique de l’histoire hellénique était simplement appelé par les Grecs « Le Massacre » (H Σφαγή), « La Grande Catastrophe » (H Μεγάλη Καταστροφή), ou « La Grande Tragédie » (H Μεγάλη Τραγωδία).

Il est de notre devoir de veiller à ce que cette Grande Catastrophe ne se répète pas, et que les mots « Plus jamais ça » résonnent haut et fort. L’Association internationale des spécialistes du génocide, l’autorité académique prééminente sur les génocides, a adopté une résolution stipulant :

Soit résolu que c’est la conviction de l’Association internationale des spécialistes du génocide que la campagne ottomane contre les minorités chrétiennes de l’Empire entre 1914 et 1923 a constitué un génocide contre les Arméniens, les Assyriens et les Grecs pontiques et anatoliens.

Aujourd’hui, malgré les preuves accablantes, la lutte pour la reconnaissance de cet acte odieux continue. La Turquie continue de nier cette partie de son sombre passé, tentant de réécrire l’histoire et de faire porter le chapeau à ses victimes. Depuis sa fondation, HALC s’est tenu à l’avant-garde de la lutte pour la reconnaissance du génocide et contre les tentatives de nier la vérité, et continuera à se battre pour les droits de l’homme des chrétiens et des minorités religieuses du Moyen-Orient qui sont actuellement confrontés à des menaces similaires.

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