Discussion
La rupture diaphragmatique peut résulter d’une lésion traumatique généralement d’un traumatisme thoraco-abdominal, avec une incidence de 0,8 à 5%.1 On estime que jusqu’à 30% des ruptures diaphragmatiques contondantes peuvent apparaître comme des présentations tardives, et < 2,7% sont détectées au cours des 4 premiers mois après la blessure2,3. La rupture diaphragmatique est plus fréquente du côté gauche car le foie protège l’hémidiaphragme droit. Seulement 13% des hernies diaphragmatiques traumatiques sont du côté droit.4 Les blessures bilatérales ne sont pas habituelles (2-6% du total des cas). Les ruptures sont typiquement situées dans l’aspect postéro-latéral de l’hémidiaphragme car cette zone est embryologiquement plus faible.5
Les augmentations brusques de la pression intrathoracique et intra-abdominale contre le diaphragme (généralement à la suite d’un traumatisme à haute vélocité à l’abdomen et au thorax) et la pénétration du diaphragme par des fragments de fracture de côte sont les mécanismes de la lésion diaphragmatique. Un traumatisme contondant à l’abdomen augmente le gradient de pression transdiaphragmatique entre le compartiment abdominal et le thorax.6 La hernie diaphragmatique traumatique est un diagnostic fréquemment manqué. Il y a souvent un intervalle entre le traumatisme et le diagnostic.7 Ce délai a été rapporté comme étant > 10 ans après l’événement traumatique.8 Ceci peut être expliqué par diverses hypothèses. L’explication la plus probable est que le défaut diaphragmatique survenant lors de la blessure ne se manifeste que lorsqu’une hernie se produit.9 Une rupture retardée peut se produire plusieurs jours après la blessure initiale sous la forme d’un processus d’inflammation et de nécrose d’un muscle diaphragmatique dévitalisé.10,11 Les petites déchirures diaphragmatiques peuvent s’élargir avec le temps, permettant une hernie des organes abdominaux dans la cavité thoracique, ce qui peut être une autre explication du diagnostic tardif. Enfin, chez les patients bénéficiant d’une ventilation mécanique avec PEEP, la pression intrathoracique positive contrebalance la pression intra-abdominale, et seule l’extubation précipite le phénomène de hernie diaphragmatique.9
Grimes12 a décrit les 3 phases de la rupture diaphragmatique. La phase aiguë commence avec le traumatisme initial et se termine avec la récupération d’autres blessures. Pendant cette phase, la lésion diaphragmatique peut être masquée. Soixante pour cent des patients présentent une douleur non spécifique dans la poitrine et le quadrant supérieur gauche. D’autres peuvent développer des symptômes aigus de dyspnée, d’hypotension et de cyanose. La phase retardée (latente) est associée à une hernie transitoire des viscères et à des symptômes de BPCO. Les patients présentent souvent des symptômes non spécifiques et peuvent se plaindre de douleurs thoraciques et abdominales, de dyspnée, de tachypnée, de toux et de vomissements. Enfin, la phase obstructive peut survenir à tout moment lorsque l’obstruction intestinale se produit. Les manifestations prédominantes sont l’obstruction et la strangulation, qui peuvent conduire à la nécrose et à la rupture si le diagnostic et le traitement sont encore retardés.12
L’imagerie joue un rôle crucial dans le diagnostic. La radiographie du thorax peut montrer un hémidiaphragme élevé, une distorsion de la marge diaphragmatique, un contenu viscéral dans le thorax, un pneumothorax gauche localisé, un déplacement médiastinal et une fracture des côtes inférieures gauches, et lorsqu’une sonde nasogastrique est en place, elle peut être vue dans le thorax. La sensibilité des radiographies thoraciques est de 46% pour les ruptures du côté gauche et de 17% pour les ruptures du côté droit.13
Un scanner thoracique a une sensibilité de 61-71% et une spécificité de 87-100% pour les ruptures diaphragmatiques traumatiques aiguës.14 Un scanner spiralé avec l’utilisation de détecteurs multiples (4 et 16 détecteurs) s’est avéré supérieur aux scanners conventionnels. Les images coronales et sagittales reformatées sont recommandées, en particulier pour la reconnaissance de la déchirure diaphragmatique.15 La rupture diaphragmatique peut être diagnostiquée par tomodensitométrie en présence : d’une visualisation directe de la lésion, d’une non-visualisation segmentaire du diaphragme, d’une hernie intrathoracique des viscères, d’une extravasation de contraste active péridiaphragmatique, du signe du collier (une constriction diaphragmatique de type taille des organes herniés) et du signe positif des viscères dépendants (les viscères herniés ne sont plus soutenus postérieurement par le diaphragme lésé et tombent en position dépendante contre les côtes postérieures lors de l’examen tomodensitométrique).14,16 Le signe du collet tomodensitométrique a une faible sensibilité rapportée (67% pour les ruptures du côté gauche et 50% pour les blessures du côté droit) mais une spécificité de 100%.
L’approche chirurgicale pour réparer une blessure ou une rupture diaphragmatique aiguë dépend du mécanisme de la blessure et du moment de la présentation. L’approche transabdominale est indiquée dans les contextes aigus dans lesquels des blessures abdominales concomitantes sont connues ou possibles. Cependant, lorsque les patients présentant une rupture diaphragmatique se présentent de manière tardive, une thoracotomie postérolatérale est l’approche préférable. Elle permet une excellente exposition et a l’avantage de faciliter la libération chirurgicale de l’adhérence entre l’organe hernié et le parenchyme pulmonaire. Une thoracotomie est préférable pour toutes les anomalies diaphragmatiques droites, quel que soit le moment de la blessure initiale.17,18