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Cezanne et Seurat ont commencé à réaliser la prophétie de Flaubert, en établissant les conditions préalables à l’art abstrait géométrique. Cezanne a créé son art sur les lois strictes et spécifiques de la géométrie, traitant la nature à travers différentes figures comme un cylindre, une sphère, un cône, tout vu en perspective, d’une manière où chaque côté possible d’un objet dans la composition serait dirigé vers un point central. Cezanne a tenté d’aller au-delà de la nature et de trouver les lois qui la composent, d’où son allégorie du divin qui influencera également d’autres peintres par la suite. Seurat, quant à lui, a trouvé l’harmonie dans une perception presque musicale de la réalité, mettant en avant l’utilisation de couleurs primaires et de formes simples. Il a déclaré : « L’art est l’harmonie. L’harmonie est l’analogie des éléments contraires et semblables du ton, de la couleur et de la ligne, considérés selon leur dominance et sous l’influence de la lumière, dans des combinaisons gaies, calmes ou tristes ».
Ces deux artistes ont établi les bases de ce qui allait venir par la suite et que nous reconnaissons aujourd’hui purement comme le fauvisme et même l’expressionnisme qui serait la base transcendantale de l’abstraction géométrique. L’abstraction géométrique est arrivée après plusieurs décennies de peinture figurative où des images sensibles de paysages détaillés et des portraits de personnages pompeux figuraient dans de nombreux tableaux. Ce changement fondamental consistait en l’utilisation de figures géométriques simples (carrés, cercles, triangles) combinées à l’intérieur de compositions subjectives qui vivaient dans des espaces surréalistes. Il n’y avait aucune référence au monde réel, seulement des scénarios fictifs et utopiques, comme si le but était de dire que la peinture est quelque chose que l’on fait tout simplement. Il est né en réaction à l’excès de subjectivité des artistes visuels des mouvements précédents, dans une tentative de s’éloigner du purement émotionnel. L’art géométrique abstrait a essayé d’être précis, en s’en tenant aux règles de la nature et de la science.
L’un des pionniers et des artistes les plus emblématiques de l’art géométrique abstrait est Kazimir Malevitch, qui a fondé le mouvement suprématiste. Son but était la recherche d’une expression absolue et pure, non figurative, contrairement à l’art coutumier. Au cours de ses vingt ans, Malevich établit des contacts avec Larionov, ce qui lui ouvre les portes de nouvelles expériences et de relations internationales, en faisant la connaissance de fauves, de cubistes et de futuristes italiens, jouant un rôle énorme sur ses propres créations. Ses premières expériences l’amènent à créer ce mouvement, basé sur un langage visuel aigu composé de figures géométriques abstraites et de couleurs neutres. Il développe son œuvre entre 1912 et 1923. Parallèlement à sa carrière, il crée une série de nombreux tableaux d’art abstrait géométrique en noir et blanc. En 1915, il présente son œuvre la plus emblématique et historiquement transcendante, intitulée Carré noir. Malevitch a promu les valeurs de la logique, des mathématiques et de l’objectivité, contrairement à la technicité sensible et subjective de l’art établie à l’époque. Revendiquant une supériorité dans les arts abstraits, cette pièce rejetait également l’art dominant du moment et était considérée comme le début d’un nouveau courant, représentant la mort de l’art conventionnel, ouvrant les portes à une nouvelle tradition de l’art.
Un autre représentant transcendantal de l’art géométrique abstrait moderne Piet Mondrian. Il sera initié au monde de l’art par son oncle Frits, un peintre impressionniste de paysages. La jeunesse de Mondrian, influencée principalement par l’environnement pictural d’Amsterdam, comprend des natures mortes, des paysages et des études académiques. Pour survivre, le jeune Mondrian réalise des copies de tableaux qui sont exposés au Rijksmuseum (Amsterdam) et dessine des illustrations de livres. Vers 1901, il entreprend un voyage en Espagne pour assister aux corridas, il est complètement choqué et entre dans une sorte de crise mystique qui le conduit à s’isoler à la recherche d’un nouvel ordre, d’une nouvelle loi synthétique. Entre 1907 et 1908, il commence à entrer en contact avec des artistes fauves avant d’aller étudier le cubisme basé sur les lignes droites. Au cours de ces années, il crée une série de tableaux d’art abstrait géométrique désormais célèbres, simplement appelés « composition ».
En 1914, Mondrian retourne aux Pays-Bas et établit en 1917 une connexion avec Theo Van Doesburg avec qui il crée le magazine « De Stijl » (Le Style) et son manifeste où l’on écrira de nombreux articles théoriques sur la façon dont l’art était censé être fait. Il crée ses premières compositions de rectangles compacts bleus, jaunes et rouges sur un fond blanc avec des couleurs primaires et de l’art géométrique abstrait avec du noir et du blanc. Le but de son art était de rétablir l’équilibre entre l’homme et la nature. En 1920, en raison de désaccords avec Van Doesburg, Mondrian se sépare du mouvement De Stijl et entre en contact avec le courant du Bauhaus et ses acteurs. Au cours de sa vie, il déménage à New York, où il cesse d’utiliser les lignes et commence à les remplacer par des rectangles et des figures carrées. La peinture de Mondrian a changé pour se baser entièrement sur des mathématiques absolues et approfondies. Il a prétendu créer un mélange entre l’art, la matière et l’esprit pour capturer le néo-plasticisme (De Stijl) l’harmonie universelle (en utilisant des angles droits et des couleurs primaires) : une approche dont le but était de découvrir l’essence spirituelle profonde de la réalité et de la vie. Dans le mouvement De Stijl, les principes qui dominaient la création artistique étaient toujours l’abstraction absolue, aucune référence à la réalité n’était autorisée et le langage était limité aux lignes et aux angles droits, aux trois couleurs primaires (bleu, jaune et rouge) et aux trois couleurs non primaires, le gris, le blanc et le noir.
Le célèbre peintre d’art abstrait géométrique Van Doesburg, (cofondateur de De Stijl) a créé une série d’études figuratives pour les abstraire en figures géométriques composées de lignes, de rectangles et de carrés colorés. Il s’éloignera ensuite de l’esthétique du mouvement en insérant des lignes de différentes longueurs, largeurs et couleurs, ce qui constituera une cause de rupture avec Mondrian au sein de De Stijl, puisque l’artiste emprunte une voie différente de celle établie dans le manifeste. Van Doesburg a mené une vie politique et éducative intense, établissant des contacts avec différents artistes du Bauhaus et du constructivisme, il s’est même impliqué dans l’architecture et a été un promoteur clé du mouvement dadaïste dans toute l’Europe. Le rôle de Van Doesburg étant si essentiel pour De Stijl, le mouvement n’a pas pu survivre après sa mort, bien que de nombreux membres soient restés actifs et en contact les uns avec les autres. Beaucoup de ses artistes d’origine, notamment Mondrian ont cependant continué à créer des œuvres d’art qui seraient fortement influencées par le courant.
Bart Van der Leck, était un autre membre transcendantal de De Stijl, qui, malgré le fait qu’il ait participé pendant une brève période, était extrêmement significatif pour le mouvement. Même si l’artiste a refusé de signer le manifeste, il a créé une série d’œuvres abstraites géométriques dans lesquelles sa conception de la peinture géométrique et sa palette de couleurs ont eu une influence déterminante sur les créations de Piet Mondrian et Theo Van Doesburg. Par la suite, l’artiste créera encore des peintures réalistes et figuratives et continuera sporadiquement à expérimenter l’abstraction géométrique sans s’en tenir aux règles géométriques rigides précédemment établies par De Stijl.
L’art abstrait géométrique a eu de nombreuses étapes et facettes différentes à travers l’histoire de l’art, en commençant par le début du XXème siècle et en s’étendant jusqu’à nos jours. Les influences de l’art abstrait géométrique pourraient être vues le long de différentes décennies et continents, ayant aussi de nouvelles vagues dans l’art latino-américain pendant les années 60 et 70. Son influence peut encore être identifiée dans l’art contemporain et d’autres mouvements du XXe siècle.
Image de couverture : Theo Van Doesburg, CompositionVIII_(La vache), vers 1918, huile sur toile, Hauteur : 37,5 cm (14,7 in) ; Largeur : 63,5 cm (25 in), Musée d’art moderne.
