Les médecins, dès Hippocrate, avaient l’habitude d’écouter les bruits du cœur et des poumons en plaçant leurs oreilles directement sur la poitrine du patient, un procédé appelé auscultation « immédiate » ou directe. Pour éviter tout contact direct avec la peau du patient, les médecins interposaient un mouchoir entre leurs oreilles et la poitrine du patient. L’auscultation immédiate s’est poursuivie au début du 19e siècle, jusqu’à ce que le médecin français René Théophile-Hyacinthe Laennec invente le premier stéthoscope.
Un jour de 1816, Laennec a observé des enfants jouant avec de longs bâtons creux. Les jeunes scientifiques étaient intrigués par la façon dont une épingle utilisée pour gratter le bâton à une extrémité transmettait et amplifiait le son à l’autre. Lors d’une visite ultérieure, Laennec a dû écouter la poitrine d’une jeune femme obèse. Plutôt que de placer son oreille sur la poitrine de la patiente, il s’est souvenu de ses observations sur les enfants qui jouaient et a enroulé plusieurs feuilles de papier en un cylindre qu’il a utilisé pour ausculter la poitrine de sa patiente. Il a été étonné par ce qu’il a entendu :
J’ai roulé une quire de papier en une sorte de cylindre et j’en ai appliqué une extrémité à la région du cœur et l’autre à mon oreille, et je n’ai pas été peu surpris et heureux de constater que je pouvais ainsi percevoir l’action du cœur d’une manière beaucoup plus claire et distincte que je n’avais jamais pu le faire par l’application immédiate de mon oreille.
-René Laennec, De l’Auscultation Médiate
Laennec était un observateur attentif et a utilisé son invention pour étendre la science de l’auscultation médicale en corrélant ses observations avec les résultats des autopsies. Il a été le premier à décrire les râles, les rhonchi, la crépitation et l’égophanie. Son invention a fait l’objet d’une critique favorable dans le New England Journal of Medicine deux ans seulement après son introduction, et la plupart des médecins ont fini par accepter l’invention de Laennec. Après la publication de ses observations en 1819, il devient assez célèbre et finit par devenir président du Collège de France en 1822 et professeur de médecine en 1823. C’est le neveu de Laennec qui a utilisé le stéthoscope pour diagnostiquer la tuberculose de son oncle, ce qui a provoqué la mort de Laennec en 1826 à l’âge de 45 ans, seulement 10 ans après sa découverte.
Au fil des ans, des médecins scientifiques novateurs ont perfectionné le stéthoscope original de Laennec.
En 1852, George Cammann a produit le premier stéthoscope binaural (2 pièces), qui est devenu le dispositif standard utilisé par les médecins pendant près d’un demi-siècle. Le stéthoscope de Cammann était composé d’une pièce thoracique en ébène et d’un tube flexible fait de spirales de fil métallique recouvertes de couches de soie trempées dans de la gomme élastique. Il était doté d’embouts en ivoire. En 1894, Robert Bowles a présenté le premier stéthoscope à diaphragme et, dans les années 1940, les docteurs Sprague et Rappaport ont introduit la pièce thoracique stéthoscopique à deux côtés avec un diaphragme et une cloche pour améliorer l’auscultation des sons de différentes fréquences. Bien que le modèle Sprague-Rappaport ait été très populaire, la plupart des médecins n’appréciaient pas les interférences produites par sa conception à deux tubes. Dans les années 1960, David Littmann, cardiologue et professeur à l’école de médecine de Harvard, a redessiné le stéthoscope avec un seul tube qui avait 2 canaux internes et a encore affiné l’acoustique de l’appareil.
Dans les années 1990, plusieurs sociétés ont produit des stéthoscopes « électroniques » qui avaient la capacité de filtrer les bruits ambiants et d’amplifier les sons cardiaques et pulmonaires auscultés, et au cours des 2 dernières décennies, ceux-ci sont devenus de plus en plus populaires parmi les prestataires médicaux. L’année dernière, 3M-Littmann a publié un nouveau stéthoscope avec une capacité Bluetooth qui transmet les sons cardiaques auscultés à un ordinateur pour une analyse logicielle, ce qui ouvre une nouvelle ère où les médecins peuvent utiliser l’auscultation assistée par ordinateur et la stéthoscopie numérique pour améliorer les soins aux patients.
Tout a commencé avec un médecin français qui a appris le bénéfice du jeu de l’enfant.
Anciens concepts, nouvelle technologie
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